Monsieur le Président, Cher-e-s collègues,
Nous l’avions déjà souligné lors de la session de mars dernier. L’exercice budgétaire 2021 s’est achevé par un excédent brut de 89 millions d’euros sur le budget principal, auquel s’ajoute un versement de 5 millions d’euros issu du budget annexe du laboratoire d’analyses. C’est donc un excédent total de 94 millions d’euros, un niveau record dans l’histoire de notre collectivité, qui est au cœur de cette première décision modificative.
Fidèle à votre doctrine, vous consacrez l’essentiel de cet excédent – auquel s’ajoutent diverses recettes supplémentaires – à réduire l’autorisation d’emprunt pour 2022, estimée très artificiellement à 92 millions d’euros dans le budget primitif, ramenée à présent à 8 millions d’euros et qui finira sans doute à zéro à la fin de l’année, compte tenu du niveau des droits de mutation déjà perçu (pour rappel : vous les avez estimés à 130 millions d’euros pour 2022 et nous à 150 millions d’euros).
Parallèlement, 16 millions d’euros sont consacrés à des dépenses nouvelles, notamment des investissements dans les infrastructures routières et portuaires, l’accompagnement du développement territorial ou le financement du SDIS.
Ces décisions interviennent dans un contexte économique peu réjouissant (on pourrait même dire alarmant). Nous le savons tous : face à l’inflation, on constate déjà une remontée des taux d’emprunt. Les prévisions de croissance 2022 sont revues à la baisse. Ainsi l’OFCE, qui prévoyait + 4,2 % à l’automne dernier, lorsque le budget départemental était finalisé, prévoit désormais + 2,7 % (estimation de mai 2022), affectant directement les recettes de la collectivité comme nous pouvons le constater avec la diminution de la fraction de TVA qui sera reversée au Département (- 3 millions d’euros).
Dans l’attente des résultats du scrutin de dimanche, de la composition de la Chambre des députés et de la majorité qui s’en dégagera, la seule certitude reste le fort niveau d’endettement de l’État (112 % du PIB en 2021) auquel tout un chacun devra faire face dans les années à venir. Le président de la République avait annoncé dans son programme un effort de 10 milliards d’euros d’économies sur cinq ans, imposé aux collectivités locales. S’il obtient une majorité, nous devons redouter un retour aux « contrats de Cahors » (ou à un système analogue) qui avaient contraint, on s’en souvient, les dépenses de fonctionnement des principales collectivités – au rang desquelles figurait le Conseil départemental du Morbihan – entre 2018 et 2020 (règle qui a été simplement suspendue avec la crise Covid). Pour l’heure, élections obligent, l’opacité la plus complète règne sur les intentions du Gouvernement. Mais on connaît l’incapacité du président Macron à avancer en pareille matière en concertation avec les élus locaux.
On risque de s’en apercevoir pour une autre recette importante du Conseil départemental. Comme j’avais pu le supposer lors de notre session budgétaire en décembre, les heures de la CVAE semblent comptées. Nous devons craindre d’ici 2023 la suppression d’une taxe qui a rapporté près de 300 millions d’euros au Département au cours de la dernière mandature (2015-2021). C’est pourtant une des dernières et rares ressources fiscales encore en lien avec l’économie du territoire. Certes sa suppression sera compensée (probablement par une nouvelle fraction de TVA) mais elle déconnectera un peu plus l’action du Conseil départemental des acteurs de terrain. Dans une démocratie où l’abstention bat tous les records, cette dépendance accrue vis-à-vis d’un État centralisateur risque de creuser un peu plus le fossé entre la réalité sociale et économique de nos concitoyens et l’institution que nous représentons.
En cohérence avec notre vote sur le budget 2022, nous nous abstiendrons sur cette première décision modificative.
Je vous remercie.
Mathieu GLAZ