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Discours de politique générale

Novembre 2022

 

Monsieur le Président, Cher-e-s collègues,

En préambule, permettez-moi, Monsieur le Président, au nom de notre Groupe de saluer l’arrivée du nouveau DGS que vous avez choisi pour notre collectivité. Nous lui souhaitons la bienvenue et de la réussite dans ses missions avec les agents du Conseil départemental. 

Nous sommes pour notre part et pour quelques-uns de vos collègues au deuxième exercice des sessions dédiées à la question budgétaire. Nous concernant, nous n’en sommes pas totalement encore à avoir pris nos habitudes mais nous découvrons déjà quelques invariants que nous souhaiterions voir évoluer… mais nous notons tout de même aussi quelques inflexions. 

Vous le signifiez dans le document qui nous a été fourni, l’avenir est particulièrement incertain, la COVID est toujours présente, la guerre à l’Est de l’Europe reste très inquiétante quant à son évolution. Les conséquences pour notre Pays et le Morbihan sont multiples en premier lieu à travers un coût de l’énergie qui affecte l’économie mais aussi le portefeuille d’une grande partie de la population finissant ainsi de précariser les plus fragiles d’entre nous. 

Dans ce monde incertain il y a malheureusement des certitudes qu’il nous faut affronter et qui devrait être au centre de tous nos efforts : 

Le changement climatique est à l’œuvre, je ne reviendrais pas sur l’été que nous venons de vivre, la COP27 n’a pas été capable de revoir à la hausse des ambitions de diminution des gaz à effets de serre, notre trajectoire mondiale est à 3°C alors qu’il nous faudrait réussir à la contenir au plus près des 1,5°C s’il l’on souhaite une terre habitable pour la seconde partie du siècle.

Cet impératif couplé à la guerre en Ukraine et à un parc électronucléaire défaillant a pour corollaire les prix des énergies à la hausse ce qui devrait nous faire basculer dans les années à venir dans une action résolue et méthodique pour travailler à réduire nos consommations énergétiques. 

C’est ainsi que nous créerons de nouvelles marges de manœuvre budgétaire et c’est indispensable pour répondre aux impératifs planétaires. 

Malheureusement, à la lecture de vos orientations, il y a certes des inflexions mais nous sommes encore loin de la bifurcation nécessaire. 

Autre élément de continuité, les éléments d’appréciations sur l’Etat et les autres collectivités… et la fameuse bonne gestion morbihannaise que vous nous rappelez en permanence. Je vais m’attacher à vous montrer l’impact au quotidien pour bon nombre de morbihannaises et morbihannais qu’à cette politique. 

Sous le précédent mandat, votre majorité a entre 2015 et 2021, selon le bilan social de notre collectivité, fait disparaître 60 postes d’assistants socio-éducatifs (assistants sociaux, éducateurs spécialisés, CESF). Ce sont autant de professionnels qui manquent au quotidien auprès des plus fragiles des Morbihannais. 

Ce manque de personnel spécialisé a entre autres des conséquences sur l’accès aux droits. Nous croisons très régulièrement des Morbihannais et des Morbihannaises qui souffrent d’une collectivité qui n’accompagne que trop peu.
Nous vous proposons de saisir l’opportunité qu’offre la loi 3DS afin de compenser les politiques délétères des dernières années du département en la matière. Ainsi, la loi relative à la différenciation, la décentralisation, la déconcentration et portant diverses mesures de simplification de l'action publique locale, dite loi 3DS adoptée en février 2022, prévoyait « Pour une durée de trois ans à compter de la publication du décret […] une expérimentation […] aux fins de lutter contre le non-recours aux droits sociaux et de détecter les situations dans lesquelles des personnes sont éligibles à percevoir des prestations et avantages sociaux […] dont le bénéfice ne leur a pas encore été ouvert faute de démarche accomplie en ce sens ». En termes plus simples, il s'agit de l'expérimentation du versement automatique de prestations sociales. 

Au mois de septembre, le gouvernement, par la voix du ministre des Solidarités, Jean-Christophe COMBE, a confirmé cette intention et annoncé qu’il proposerait début 2023 des expérimentations avec le versement automatique de certaines prestations sociales. Cela s'intitulerait les « territoires zéro non-recours » et il y a un appel à la volonté d'une dizaine de territoires en France. Le RSA, la prime d'activité et les APL seraient testés dans un premier temps. Nous considérons que le Conseil départemental du Morbihan devrait se positionner, par anticipation, avant la parution des décrets. Le sujet du non-recours est une problématique importante dont nous devons nous saisir, quand un tiers des ménages éligibles renonce au RSA. 

Il s’agit en premier lieu d’un devoir d’humanité que nous devons aux plus fragiles mais c’est aussi un gage d’efficacité de nos politiques publiques, il est largement démontré qu’il est beaucoup plus simple de réinsérer des personnes qui très rapidement ont été accompagnées et prises en charge. Ce qui passe par le fait de bénéficier des aides auxquelles ils ont droit. 

L’autre exemple du manque d’accompagnement concerne la précarité énergétique qui explose au vu du contexte. Nous l’avions évoqué lors de la dernière session, le fonds de solidarité pour le logement (FSL) n’a pas évolué depuis 10 ans dans le Morbihan. Nous notons dans les documents qui nous ont été fournis en préparation de ce débat que le règlement intérieur du FSL sera amené à évoluer en 2023, difficile derrière cette phrase laconique d’y trouver un engagement majeur. 

Nous rappelons et continuons à penser que le FSL devrait être revu en urgence en : 

1/ Modifiant le plafond de ressources permettant d’accéder au FSL, pour illustration, afin de bénéficier de cette aide une personne seule ne doit pas avoir un revenu excédant 906,81€. 

2/ Augmentant les aides possibles de 50%.  

3/ Simplifiant les dossiers, qui sont parfois très complexes à constituer. Vous revendiquez une simplification des démarches lorsqu’il s’agit des aides aux communes, vous devriez avoir le même état d’esprit pour les aides sociales. 

Autre exemple, la MDA, en début du mandat, vous-même avez reconnu une situation dégradée, des délais inacceptables. Cette situation est directement issue de cette logique d’écrasement des coûts de fonctionnement lié à cette fameuse bonne gestion du Morbihan. Quelque mois plus tard, la situation s’est à peine améliorée, nous sommes à 5 mois d’attente ce n’est pas acceptable pour une partie des situations qui demandent des réponses urgentes. Cet exemple montre également que malgré les moyens supplémentaires que vous avez déployés depuis le début du mandat, il est difficile de redresser une situation dégradée. 

Autre exemple d’une situation dégradée : le schéma de l’autonomie va être voté le mois prochain, il y a beaucoup à faire, notamment sur les places en EHPAD. Là aussi, nous héritons d’une situation peu glorieuse. Le département est en retard sur le reste de la Bretagne, il y a moins de places par habitant que le Finistère, les Côtes-d’Armor et l’Ille-et-Vilaine. Alors certes, nous ne sommes pas les seuls décideurs mais l’Agence Régionale de Santé est commune à l’ensemble de ces départements, c’est donc bien, ici qu’il y a eu un souci par le passé. Mais, il est surtout temps de faire bouger l’ARS maintenant et nous devons collectivement monter au front, vous nous trouverez à vos côtés sur cette question. 

Là où nous nous rejoignons en revanche dans l’analyse, c’est sur cette centralisation qu’opère petit à petit Emmanuel Macron et son gouvernement. C’est un genre de mise sous tutelle des collectivités territoriales qui est opéré en supprimant progressivement l’autonomie fiscale des collectivités. Les 2 derniers éléments en date : la suppression de la CVAE, un nouveau coup de canif dans le lien entre fiscalité locale et développement territorial. Et, la réintroduction possible des contrats de Cahors pour maîtriser les dépenses de fonctionnement des collectivités, appelés contrats de confiance dans une novlangue dont Renaissance à le secret. Même si les dernières déclarations en la matière d’Elisabeth Borne semble rassurantes. 

Néanmoins, ce processus de recentralisation, positionne les collectivités locales en opérateurs de l’État, sur le modèle des collectivités « à l’anglaise ». Ainsi l’État désargenté, retrouve une capacité d’agir en faisant des collectivités des obligés en charge d’une partie des politiques qu’il souhaite mettre en œuvre. Pas sûr que ce soit intéressant en termes d’efficacité des politiques publiques ni en termes de démocratie. 

Concernant les recettes, pourquoi continuer à ce point à sous-estimer celles-ci ? je pense notamment au DMTO (Droit de Mutation à Titre Onéreux), nous estimons encore que vous les sous-estimer encore de 30-40 millions d’euros. 

L’autre point budgétaire, le Plan Pluriannuel d’investissement (PPI) à 1 Milliard. Certes, cela est symboliquement important, mais pour notre part nous serons surtout attentifs à ce que ces moyens soient mis au service d’une vision stratégique et qui ne seraient pas aux services de projets climaticides… 

Malheureusement, le département prolonge sa politique de construction routière encourageant de fait l’autosolisme dont on voit les limites en termes de pollution, de saturation du réseau et d’un point de vue budgétaire pour les plus modestes dès que le prix de l’essence part à la hausse. Ainsi, votre PPI prévoit 30 millions d’euros annuels consacrés aux infrastructures routières en entretien et développement de nouveaux projets. 

Nous notons par contre, positivement, les 5 millions d’euros annuels qui, à partir de 2024 devraient permettre le développement des infrastructures de mobilités douces dans le Morbihan. C’est positif et il y a une inflexion qu’il nous faut reconnaître mais nous sommes loin, très loin du département de l’Ille-et-Vilaine qui y consacre 30 millions d’euros annuel. 

En résumé, dans un département déjà très bien doté en infrastructure routière, vous continuez à investir 6 fois plus au service de la voiture qu’au service des mobilités douces.
Un point positif, Concernant la PST, mettre un bonus pour les projets liés à la transition énergétique nous semble un bon signal, cependant 5% nous semble trop faible pour en faire un vrai levier stratégique.  

Au début de mon intervention, j’indiquais que nous étions percutés par les prix de l’énergie et qu’il y avait aussi pour cette raison une accélération à opérer dans la réduction des consommations et le déploiement des énergies renouvelables. 

A la lecture de la PPI, rien de tel, certes il y a un plan de déploiement progressif d’isolation thermique dans les collèges mais on n’est pas à marche forcée, pas de plan massif d’isolation du bâti du département, pas d’objectif en la matière ni même d’objectif en termes de couverture de la consommation énergétique par des énergies renouvelables, pourtant gage de stabilité tarifaire et d’indépendance énergétique. On est loin d’être au bon niveau. 

Vous l’avez compris, nous considérons que certaines des inflexions vont plutôt dans le bon sens mais sans jamais atteindre l’ampleur que la situation tant d’un point du vue social, démographique et climatique l’exige. 

Mais, vous pouvez encore changer votre copie Monsieur le président. Il reste moins d'un mois avant le vote du budget et pour présenter une feuille de route ambitieuse et vertueuse en 2023.

Damien GIRARD - Président du groupe de Gauche et Écologiste