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Insertion professionnelle et sociale

 

Monsieur le Président, chers collègues,

Il y a 3 éléments essentiels qui n’apparaissent pas dans ce rapport sur la politique de solidarité, d’insertion et emploi : la lutte contre le non-recours (et l’accès aux droits), une ambition forte en matière de mobilité et une réponse à la manifestation des besoins.

(En passant : l’enveloppe de la politique départementale en faveur du développement social est en baisse entre le BP 2023 et 2024 – surprenant à un moment où l’INSEE nous dit que la pauvreté augmente).

L’approche du groupe d’opposition de Gauche et Écologiste, c’est une politique en faveur de l’insertion sociale et professionnelle qui nous permette de lutter contre la pauvreté et la précarité. 

Il est de plus en plus évident que nous devons donner aux services déconcentrés du Conseil Départemental une orientation clairement plus volontariste, plus soucieuse de repérer et d’identifier les familles ou les personnes ne sollicitant pas les aides auxquelles elles pourraient avoir droit et y renoncent sous les motifs les plus divers.

La lutte contre les non-recours doit pleinement apparaître dans nos ambitions départementales pour 2024 et être ensuite traduite en actes et se fixer des objectifs précis. Tout le monde connait les chiffres relatifs au non-recours, plus d’un tiers des personnes éligibles. 

Concernant la mobilité, vous aviez reconnu, comme nous, que celle-ci est un frein majeur au retour à l’emploi. Nous avons bien lu les propositions, notamment les chèques mobilités, mais c’est faible au regard des enjeux. Notre collectivité n’est certes pas autorité organisatrice de transports, néanmoins, elle peut aider les intercommunalités qui décideraient de mettre en place des actions au titre de la solidarité pour les déplacements des bénéficiaires du RSA par exemple. 

De retour du Congrès des Départements de France en novembre dernier, je retiens que le Département est un dernier rempart, face à l’État défaillant. 

Aussi, Monsieur le Président, nous vous proposons donc de convaincre les 15 Vice-Présidents en charge des mobilités dans les EPCI du Département et le Vice-Président de la région Bretagne d’une réunion-conférence sur la mobilité solidaire… 

16 personnes à réunir en plus des représentants du Département, cela est largement dans nos cordes !

Le sujet de cette conférence serait la mise en place et l’organisation de la gratuité des transports pour les bénéficiaires du RSA et bénéficiaires d’aides sociales. Collectivement, nous pouvons développer cette ambition, qui serait vertueuse sur le plan financier, écologique et social, à l’instar du Conseil départemental de la Haute-Garonne.

C’est d’ailleurs d’autant plus indispensable que des financements sont d’ores et déjà annoncés pour le développement du transport ferroviaire régional, et que le financement dédié aux transports collectifs augmente de 59 millions d’euros dans le budget 2024.

Un mot sur ce qui se prépare au niveau national : le 1er janvier 2024, Pôle emploi deviendra France travail, mais au-delà du changement de nom, nous regrettons cette vision passéiste qui va conduire les bénéficiaires du RSA à effectuer 15 heures d’activité par semaine. Nous déplorons que les élus de votre sensibilité se soient joints aux élus de la majorité présidentielle pour ce dispositif.

Les députés de Gauche n’ont eu de cesse de dénoncer la loi travail qui durcit les dispositions à l’encontre des plus pauvres : oui, comme l’a dit à la tribune de l’Assemblée nationale le député Communiste Pierre DHARREVILLE « Ce texte est une nouvelle guerre sociale ».

Je ne sais, Monsieur Le Président, si vous avez le temps de regarder un film dans votre emploi du temps serré : je me permets de vous conseiller l’un des films de Ken LOACH « Moi, Daniel Blake » qui met en scène un homme malmené par les services sociaux en Angleterre. 

En France, c’est déjà le cas : de CDD en contrat intérim, de radiations au contrôle de la recherche d’emploi, de superposition de mesures sociales et de modules d’aides à la recherche d’emploi dont l’efficacité est discutable, (et dont moi-même, conseillère en insertion professionnelle, je ne parviens pas à faire le tour … !)

Cette mesure injuste et stigmatisante va avoir, entre autres conséquences, de soumettre les allocataires du RSA à une exigence horaire qui pourra, de manière incidente, constituer un obstacle à toute recherche effective d’insertion, notamment si les questions de mobilité ne sont pas résolues.

Enfin, je ne peux manquer de soulever ici quelques-unes des questions pour le moins maltraitées tout au long de l’année lors de la discussion de loi « contrôler l’immigration, améliorer l’intégration », bien connue de quelques-uns de nos collègues ici.

Si, d’aucuns et d’aucunes ont déjà marqué leur préoccupation devant le développement du phénomène des « mineurs non accompagnés », qui concerne, rappelons-le, 167 jeunes en 2022 dans notre département, je ne pouvais manquer de relever la question de l’Aide Médicale d’État dont certains, ici ou ailleurs, estiment qu’elle constitue, malgré le serment d’Hippocrate et la plus élémentaire humanité, un luxe que notre pays ne pourrait plus se permettre.

La Bretagne a connu, selon le rapport EVIN/STEFANINI, qui précise aussi que 50 % des étrangers qui pourraient y prétendre n’en font pas la demande, une sensible progression du nombre des personnes traitées par le biais de l’AME.

Nous sommes passés, entre 2015 et la mi 2023, de 3 952 dossiers AME traités à 8 599 situations, soit plus du double des chiffres antérieurs.

Plus de 2 000 de ces « bénéficiaires » sont, soit dit en passant, des mineurs, au cas où on l’aurait oublié.

Pour le Morbihan, nous sommes passés de 591 AME en 2015 à 1 225 situations en 2023 dont 262 mineurs.

Nous devons nous interroger, dans le cadre de la coopération interinstitutionnelle dans le domaine de la santé et de l’action sociale, sur les facteurs qui amènent cette progression de la demande qui concerne l’ensemble du pays.

Qu’on ne s’y trompe pas : dialyse et chimiothérapie dans le champ des prises en charge d’examens, et obstétrique dans le cadre des séjours hospitaliers de spécialité constituent les premiers postes de dépenses de l’AME.

Qu’en est-il pour notre département ? Cette situation ne révèle d’ailleurs-t-elle pas certains des caractères de la situation sociale du Morbihan ?

C’est cela que nous devons rechercher !

Je vous remercie.

 

Catherine Quéric