Monsieur le Président, Cher-e-s collègues,
Les objectifs et les orientations de ce programme départemental d’insertion sont cohérents et nous les partageons. Nous avons conscience de l’écoute des propositions de notre groupe depuis le début de mandat, tant en commission qu’en session plénière et nous vous en remercions. Je tiens particulièrement à féliciter les services départementaux pour le travail réalisé, spécialement sur la partie diagnostic qui est très éclairante pour les élus que nous sommes.
Cependant, sur la partie action, c’est-à-dire le « comment mettre en œuvre », cela manque, pour notre groupe de Gauche et écologiste, de concret.
Après des mois de suspense, parfaitement entretenu, nous avons un document qui pourrait aller encore plus loin, en proposant un redéploiement des crédits « économisés » par la baisse du nombre de bénéficiaires du RSA vers l’insertion durable en emploi, vers un accompagnement plus ambitieux en direction des plus fragiles… c’est-à-dire ceux qui touchent la somme « royale » de 494 € par mois pour vivre !
En effet, les crédits consacrés à l’insertion ont baissé de près de 6 millions d’euros entre 2021 et 2022. Certes, cela est principalement dû à la diminution du nombre de bénéficiaires du RSA. Mais, sur le volet accompagnement à l’insertion nous aurions pu consacrer un niveau plus élevé de financement, profitant de cette marge de manœuvre.
Revenons à la genèse de ce PDI et à la méthode. Le renouvellement avait été annoncé au début de mandat, et nous vous avions fait part de notre souhait de prendre part à ce travail. Nous regrettons de ne pas avoir été associés aux rencontres territoriales de mai / juin 2022, même si elles concernaient beaucoup les techniciens.
C’était déjà la même chose pour le schéma départemental de l’autonomie. Pourtant, nous avons démontré notre capacité à être force de proposition et à apporter des idées pertinentes.
A propos du diagnostic, il est important de souligner le travail factuel des services. Je veux notamment insister sur le fait que 90 % des bénéficiaires du RSA vivent seuls et que le montant mensuel moyen du RSA est de 494 €. On ne vit pas dignement avec 494 €, on survit, avec le souci du lendemain, des augmentations de factures, des transports inaccessibles et trop chers, de la cantine impayée !
A propos des cantines scolaires et de leur fréquentation, j’ai apprécié la question de Monsieur Le Président aux personnels du Collège de Tréfaven, s’étonnant que seuls 250 collégiens sur 519 mangent au restaurant scolaire de Tréfaven et je m’associe à cette préoccupation !
Imaginez ma surprise quand le maire de Lorient indique, lui, que les enfants préfèrent rentrer chez eux et que ce n’est pas une question de moyens financiers… Pensez donc, une ville où il fait si bon vivre…
Le profil des bénéficiaires du RSA est bien loin des cas rares du type artiste-musicien ou peintre préférant prendre du bon temps au RSA que de travailler. Je cite ce qu’on peut entendre ici et là au sein des commissions et des discussions.
Sur le fond, notre priorité, que vous partagez également, Monsieur Le Président, est de travailler autour des freins à l’emploi.
Tout d’abord, il nous faut mettre le paquet sur la formation et l’accompagnement. Aujourd’hui, de fait, il y a une externalisation des missions liées à l’insertion. Nous définissons les objectifs et les résultats attendus, puis les acteurs apportent leur savoir-faire et leurs moyens humains pour atteindre les objectifs, avec des subventions et conventions.
Je voudrais que cela ne se résume pas uniquement à des chiffres ou à des indicateurs de performance, plutôt qu’au travail d’accompagnement qualitatif. Pour cela, peut-être que les assistants sociaux et les conseillers en insertion sociale et professionnelle du Département pourraient réaliser une partie du travail (en étant plus nombreux bien sûr !).
Ensuite, si nous reconnaissons politiquement la mobilité comme un frein majeur à l’emploi, alors donnons-nous véritablement les moyens. Travaillons avec les organisations responsables de la mobilité : région, agglomérations et communes. Obligeons-les à s’associer à nous pour décréter les transports gratuits pour tous les bénéficiaires des minimas sociaux RSA et ASS ! Défendons les précaires et les privés d’emplois en exigeant des pouvoirs publics, la gratuité des transports publics.
Engageons-les à nous suivre sur le terrain de la lutte contre la pauvreté et la misère en permettant aux Morbihannais qui souffrent de se déplacer librement et sans contrainte financière. Nous sommes chef de file en matière d’insertion, cela nous permet de contraindre à la négociation la Région, les communautés d’agglomération et les villes !
Autre priorité, la santé mentale. Il faut agir, c’est un frein à l’emploi de plus en plus important. D’ailleurs, où en est-on du projet territorial de santé mentale signé l’année dernière ? Pouvez-vous nous dire quels sont les travaux en cours ? La problématique de la psychiatrie ou de la pédopsychiatrie sont-elles sur la table ?
Un sujet nous manque dans ce PDI, celui de l’économie sociale et solidaire (ESS). Nous pourrions davantage l’intégrer (comme certains PDI en France), notamment en travaillant avec les pôles ESS qui recouvrent tout notre département. Cela nous permettrait également d’avoir une politique plus ambitieuse avec les territoires zéro chômeurs de longue durée. Il y a de bonnes pratiques dont on peut s’inspirer, par exemple en Ille-et-Vilaine ou en Côtes-d’Armor, où il y a une vice-présidence à l’ESS. Concrètement, cela signifie notamment des subventions aux instances de l’ESS qui font de l’accompagnement avec un impact positif sur le développement des territoires.
Pour lever les freins à l’emploi, il y a aussi la question du logement. Dans le PDI, on parle du Plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées (PDALHPD) et il est évoqué dans le comment « favoriser les solutions d’hébergement pour faciliter l’accès à l’emploi ». Reconnaissez que cela n’est pas très concret !
Nous vous proposons sur le sujet du logement, de vous intéresser aux résidences habitat jeunes en Morbihan (FJT), qui sont nos partenaires dans le cadre de conventions. Il serait intéressant que le Conseil départemental renforce sa participation, aide au développement d’autres Foyers de jeunes travailleurs en Morbihan, investisse en faveur des jeunes pour leur permettre de vivre et de travailler dans des résidences d’accueil temporaires. Là encore, la Région peut être un partenaire efficace, les agglomérations également ! Soyons aussi attentifs aux critères des dossiers de demande de logement sociaux, afin qu’ils puissent prendre en compte les situations des personnes en insertion.
Deux sujets manquent : l’idée « d’aller-vers » et des actions fortes pour favoriser l’accès aux droits. Cela passe par une action sociale de proximité, des permanences délocalisées d’assistants sociaux dans les villes et maisons de quartier.
Vous l’avez compris, nous partageons les nombreux objectifs, mais paradoxalement, face à cette liste de promesses, il manque du concret (c’est flou sur la mise en œuvre). Le PDI promet beaucoup : mais qu'en sortira-il ?
C’est pourquoi, nous nous abstiendrons et nous serons vigilants sur les indicateurs et l’évaluation qui sera faite chaque année. C’est à cela que nous jugerons de la réussite et de l’efficacité du PDI.
Je terminerai sur une citation de Victor Hugo (que j’espère que nous partageons tous), il disait : « Vous voulez les misérables secourus, moi je veux la misère supprimée ».
Catherine QUÉRIC