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Politique de l'habitat en Morbihan

 

Monsieur le Président, chers collègues,

Le tableau du logement en Morbihan est alarmant. Derrière les mots, des maux qui impactent les vies des personnes privées de ce droit fondamental : des personnes vivent à la rue faute de places dans les hébergements d’urgence, des actifs dormant en tente ou dans leur voiture, des familles sont hébergées par des tiers. Vivre chaque jour dans la survie matérielle ou morale, c’est épuisant et ce n’est pas une vie.

Le tissu humain et professionnel garant des solidarités, de la santé et de la sécurité des personnes est aussi lourdement impacté par la situation du logement en Morbihan : pompiers professionnels et volontaires, aides-soignantes, auxiliaires de vie, infirmiers peinent aussi à se loger.

Le tissu économique morbihannais est touché également. Faute de logement, des ouvriers et des employés refusent un emploi ou démissionnent pour certains après avoir longtemps utilisé le bout de canapé de copains ou après avoir consommé une grande partie du salaire dans le carburant. Par exemple, un kiné et un boulanger n’ont pas pu s’installer à Locmiquélic faute de logement.

Faire fonctionner une entreprise avec une pénurie de personnels c’est problématique et pesant.

Habiter des passoires énergétiques, c’est décider de couper le chauffage ou continuer de chauffer avec des factures d’énergie qui grimpent, voir son reste à vivre diminuer et au final continuer d’avoir froid chez soi.

Habiter des logements insalubres c’est voir s’installer des maladies chroniques et avoir peur pour sa santé et celles de ses enfants.

Beaucoup de nos aînés, eux aussi, sont privés de sérénité car ils peuvent difficilement se projeter. Odette, 82 ans, Lorient, adore son T3 de 50 m2 et son quartier. Elle redoute le jour où « elle se cassera la binette » comme elle dit car elle ne pourra plus monter les 3 étages. Quelques immeubles de son quartier ont été munis d’ascenseurs mais il n’en est pas question ici. Pour l’instant, la réponse de Morbihan Habitat est qu’elle devra prendre un T1, changer de quartier mais aussi de commune et peut-être payer un loyer un peu plus cher.

Dès les premières semaines qui ont suivi notre élection, nous avons été alertés par ces situations de vie dégradée faute de logement sans perspective d’amélioration. Il nous incombe, élus politiques de redonner des perspectives. Aussi il y a deux ans, dès le début de notre mandat, nous avons appelé de nos vœux ce chantier majeur pour travailler à résorber la crise du logement.

Nous avons appelé à un plan départemental de l’habitat pour donner d’une part une cohérence aux actions de notre collectivité et d’autre part, une feuille de route pour construire massivement du logement locatif accessible à tous en offrant un large panel de loyers de très modestes à modérés. 

Nous y voilà enfin. Des grandes orientations de la politique départementale de l’habitat sont posées.

S’il manque quelques chiffres et des données concernant le budget, néanmoins il y a beaucoup de points positifs :

·      Refonte du FSL (fonds solidarité pour le logement).

·      Refonte du PDALHPD (Plan Départemental d’Action pour le Logement des Personnes défavorisées.

·      Refonte du schéma Gens du Voyage- avec aide à l’investissement du Département et la remise en place de moyens humains d’État et du Département.

·      Charte logement des actifs en lien avec la stratégie tourisme.

·      Titres participatifs en direction de Morbihan Habitat.

·      Renforcement des moyens du CAUE (conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement).

·      Maintien des aides aux différents partenaires (Compagnons bâtisseurs, Procivis, Amisep, CCAS etc …).

·      Soutien aux baux glissants.

·      Aide au repérage du potentiel foncier par le CAUE. Cet appui est précieux pour les maires qui souhaitent être accompagnés. Il aurait été intéressant de prévoir une aide directe pour la réalisation des études portées par certaines collectivités dans leur PLH.

·      Création de nouvelles places en Foyer de Jeunes Travailleurs (aujourd’hui « Habitats jeunes »), en habitat spécifique et en EHPAD. Nous rappelons ici notre proposition d’aligner les aides financières du Département sur celles de la CAF car celles du Département n’ont pas évolué depuis longtemps.

Nous touchons là aux points négatifs des orientations pour l’habitat en Morbihan présentées aujourd’hui. Nous aurions préféré un OFS départemental indépendant de Morbihan Habitat afin de permettre aux différents opérateurs de logements sociaux d’y faire appel. Par ailleurs, nous déplorons que l’OFS en dehors d’une mutualisation avec Morbihan Habitat n’ait pas davantage de moyens apportés par notre collectivité. Par exemple, nous regrettons l’absence d’intervention financière pour réduire les coûts de sortie des Baux Réels Solidaires. 

Concernant la rénovation, nous déplorons que seul Morbihan Habitat soit concerné par les aides. 

Nous touchons là à un point faible de la stratégie présentée aujourd’hui. Par les orientations données, les autres opérateurs du logement social se retrouvent à plusieurs titres mis à l’écart de dispositifs d’aide du Département. Isoler ainsi les bailleurs sociaux c’est risquer de les affaiblir voire de les faire disparaître. C’est aussi oublier que beaucoup de locataires font partie du parc d’autres bailleurs sociaux. Par exemple à Lanester, 1 tiers des logements sociaux ne sont pas Morbihan Habitat.

Faire grandir Morbihan Habitat de manière démesurée (et j’évoquerai au bordereau suivant les garanties d’emprunt) risque de générer une situation de monopole qui n’est souhaitable ni pour les bailleurs, ni pour les maires, ni pour les morbihannais.

En effet, il risque d’y avoir moins de possibilité pour les maires, leurs équipes et les exécutifs d’EPCI de choisir avec qui et comment ils feront leur opération. Auront-ils encore la possibilité de décider quel est l’opérateur ou l’acteur susceptible de mieux répondre à leurs attentes ?

Pour finir, nous attirons l’attention sur le nombre de logements créés. Vous visez aujourd’hui une production de 900 logements locatifs par an. Mais ce chiffre-là est-il un chiffre de production nette en dehors de la reconstitution des logements détruits et des logements anciens vendus ? Pourtant c’est bien le nombre de logements réellement disponibles en plus qui est l’indicateur d’une politique de logement volontariste pour répondre aux besoins criants des morbihannais. 

Pour conclure sur cette stratégie départementale de l’Habitat, nous saluons le travail réalisé et les engagements pris. Cependant, nous avons mis en lumière le risque d’installer un monopole ce qui n’est jamais bon pour l’équilibre territorial. Nous souhaitons que d’ici décembre 2022, cette stratégie puisse évoluer en fonction des points de vigilance que nous avons soulevés au bénéfice des territoires, des élus et des nombreux habitants qui attendent une rénovation ou un logement.

Rozenn MÉTAYER