Revenir au site

Rendons hommage à Missak et Mélinée Manouchian

- Question orale présentée par Catherine QUÉRIC - À la suite de celle-ci, l'assemblée départementale a décidé d'attribuer à un équipement le nom de Manouchian -

Le communiste et arménien Missak Manouchian, figure symbolique majeure de la Résistance française, est entré au Panthéon, le 21 février 2024, avec sa femme Mélinée et ses camarades exécutés.

C’est l’aboutissement d’un combat de 15 ans mené par un collectif transpartisan, agissant pour cette reconnaissance – tardive - du rôle des communistes dans la Résistance française. C'est aussi un rappel utile de l’apport que de nombreux étrangers, forts de leurs expériences antifascistes, en Allemagne, en Espagne, Pologne, Italie, Hongrie… surent mettre au service de la libération de leur pays d’accueil et du rétablissement de la démocratie républicaine.

En 2014, le président Hollande avait « panthéonisé » 4 résistants : 2 gaullistes – Geneviève De Gaulle -Anthonioz et Pierre Brossolette – et 2 résistants de centre gauche – Germaine Tillion et Jean Zay. En accueillant cette année Missak Manouchian, c’est d’une part la branche communiste, et d’autre part l’apport des étrangers dans notre Résistance, qui font leur entrée et sont reconnus. Comme l’avaient fait De Gaulle et Jean Moulin en 1943 dans le combat pour la libération, la Résistance est enfin réunie au grand complet au Panthéon, dans le combat pour la Mémoire.

« Dans quelques heures je ne serai plus de ce monde. On va être fusillé cet après-midi à 15 heures. Cela m’arrive comme un accident dans ma vie, je n’y crois pas mais pourtant je sais que je ne te verrai plus jamais. […] Je m’étais engagé dans l’armée de la libération en soldat volontaire et je meurs à deux doigts de la victoire et du but. J’en suis sûr que le peuple français et tous les combattants de la liberté sauront honorer notre mémoire dignement. Au moment de mourir, je proclame que je n’ai aucune haine contre le peuple allemand… » Ces mots pleins d’humanité sont ceux de Missak Manouchian, extraits de sa dernière lettre écrite à sa compagne Mélinée, quelques heures avant son exécution, dans la prairie du Mont-Valérien le 21 février 1944.

Face au peloton d’exécution, Missak Manouchian et ses 21 compagnons d’armes refusent d’avoir les yeux bandés. Même si la majorité d’entre eux sont étrangers, certains n’hésitent pas à crier « Vive la France » quelques fractions de seconde avant l’instant tragique de leur mise à mort. Tous font partie du groupe FTP-MOI (Francs-tireurs et partisans – Main d’œuvre immigrée), l’une des branches armées du mouvement FTP organisé par le Parti communiste français clandestin.

Avant de se distinguer au sein de la Résistance, et avant la défaite de 1940, Missak Manouchian a passé quelques mois à la base militaire de Colpo, dans le Morbihan, au début de la guerre. C’est à Colpo qu’il a reçu les premières bases de la science militaire. Adepte de gymnastique, il est chargé de l’entraînement physique des recrues. Engagé volontaire dans l’armée française, il porte donc l’uniforme français et défend le pays qui l’a accueilli après avoir fui l’Arménie. Pour Missak, l’internationalisme communiste n'empêche pas un attachement profond à sa patrie d'adoption dont il n'a pourtant pas la nationalité. Il dépose d’ailleurs, au début de 1940, une nouvelle demande de naturalisation pour obtenir la citoyenneté française. Bien qu’ayant reçu l’aval du préfet et de son chef de régiment, cette seconde demande est à nouveau refusée.

Monsieur le Président, je vous sais attaché à cette France Résistante et engagée pour la liberté des peuples, je vous sais attaché aux valeurs de la République et au devoir de mémoire.

Je vous propose aujourd’hui, en tant qu’élue départementale Communiste, attachée comme vous à ses valeurs, de prendre la décision d’une commémoration et d’un lieu qui portent haut et fort l’engagement de Missak Manouchian.

Au-delà des convictions politiques qui peuvent nous éloigner, au-delà de nos divergences, je sais que je peux compter sur vous pour rendre justice à l’homme qu’il était, à l’amoureux de Mélinée, au poète, au rôle singulier des immigrés dans la Résistance au nom de leur idéal de liberté, d’égalité et de fraternité.

C’est un honneur pour moi, militante communiste depuis plus de 40 ans, au nom de mon groupe politique, d’intervenir dans cette assemblée départementale en vous demandant de rendre hommage à Missak et Mélinée Manouchian et ses camarades de luttes. C’est un honneur pour moi de m’adresser à vous toutes et tous au nom de la fraternité et de la liberté.

Pour conclure, Aragon :

« Ils étaient vingt et trois quand les fusils fleurirent
Vingt et trois qui donnaient leur cœur avant le temps
Vingt et trois étrangers et nos frères pourtant
Vingt et trois amoureux de vivre à en mourir
Vingt et trois qui criaient la France en s’abattant »

Catherine QUÉRIC